La vie au soleil

La nuit n’était pas tombée. 
Simplement, le soleil était parti, pour ne plus revenir. 
Il s’était perdu dans la nuée.
La nuée de l’humeur des hommes. 
Pourquoi se fatiguer à briller quand la solitude est pérenne. 
Il avait disparu. 
D’aucuns expliquaient, expliquaient encore, que les nuées provenaient d’une pollution intense. Explication à la mesure de la bêtise humaine. Simplement, l’homme ne méritait plus la lumière. Dans la nuit des temps, devant tant d’ingratitude, le soleil s’était lassé.
Bon, la nuit aussi permet la vie. Il suffit de s’habituer. Déjà, de nombreux scientifiques éclairés tentaient quelques thèses sur l’obscure. Quel humour, après tant de siècles d’obscurantisme.
Tout est problème d’énergie. Tant qu’il y a la matière, elle est infinie. Le soleil pouvait donc bouder aussi longtemps qu’il le voulait, il ne pouvait ébrécher la puissance de l’indestructible. 
L’être…
Plus besoin de lunettes de soleil, de crème à bronzer, de parasols, ou autres accessoires encombrants.
Il suffirait toujours de déstabiliser l’orbite de quelques atomes pour entretenir la folie humaine.
A moins qu’il n’y ait mal donne.
L’univers existe –t-il en dehors de la perception que chaque homo sapiens en a. Chaque être infinitésimal n’est-il pas l’univers ?
Quelle mesure indépendante de ma perception ai-je de la réalité de cette feuille, de ce stylo, de son encre et de l’imbécilité de mon propos.
Bien sûr, il est possible de sophistiquer ce propos, c’est d’ailleurs ainsi que circonvole un éther communément appelé la vie.
Étonnez-moi !

Je disais donc que le soleil était parti. Du coup il se jouait une drôle de partie. Le dieu Râ n’étant plus là, aucun dieu n’était plus de mise. Comment régner dans l’absence de clarté ; comment prétendre être le phénix, la cause de ce qui n’ est plus. Le problème, le dilemme, c’est que l’homme était toujours là, toujours un peu plus las, certes, mais toujours là. Autre problème, la vie ne s’était pas arrêtée. Chacun composait, le peuple du monde aussi. Bien sur, le chiffre d’affaires des stations balnéaires avait baissé, même si leurs hôtels équipés de thalassothérapie s’étaient vu offrir un boulevard de prospérité. La boue s’accommode de l’ombre. Le problème est que celle-ci, bien que permanente, n’était plus portée. Plus de silhouettes, plus d’estampe, autre que celles créées par la lumière artificielle. Et il faut bien reconnaitre que l’on en a vite abusé. 
Il a fallu recourir à quelques ersatz. 
Comment parler du temps du lendemain quand il n’y a plus de matin. Comment s’entretenir de chose et d’autre à la mesure de l’infini. Comment masquer le temps quand on ne le voit plus tourner. Comment s’éprendre quand il n’y a plus d’instant visible.
Pourquoi apprendre s’il n’y a pas de lendemain. L’errance était de mise. Que fais-je là ! Que fous-je ?
Eh bien, pourquoi comprendre quand on a de quoi prendre. Prenez, consommez, ne soyez pas désolés, de toutes façons, vous n’avez pas les clés. 
Organiser la vie ?
Non, pardon, organiser la mort ? 
Je n’ai pas bien compris, vous parlez de l’amor, bien proche de l’amer, repère peu flottant de nos frasques d’avant.
Non, reprenons.
Il fut possible d’être en dehors des clartés. 
La fange n’est pas souillure quand elle est peu chantée. On se vautre où on peut, on se vautre si on vit, même en vie sans soleil. Voir clair se soucie peu du naturel ou de l’artificiel. Les yeux ne s’assouvissent de la lumière intérieure que quand ils ne peuvent faire autrement. Cela fait partie du conditionnement premier, interne, dont l’origine est à déterminer. Il est possible d’être en dehors des clartés. Mon autre admire les effets que je fais pour être et ne pas compliquer. 
Revenons à la mesure primaire, procréer donc copuler, mais, si j’étais femme… 
Quels regrets ?
Le dialogue ethnologue n’est-il pas premier ?
Qui a choisi de séparer la génitude ? 
Qui m’empêche d’être femme autant que je suis mâle . 

La lumière était partie. Celle du Dieu Hélios, celle de l’intérieur, celle qui chauffe les cœurs. Il fallait remédier à cette aliénation.
Le cerveau de l’homme est un et indivisible. D’où vient-il est un faux problème sur lequel nous nous pencherons peut être plus tard. La démultiplication vitale est aussi par essence morbide. C’est le mystère de la réaction. Pardon, de la vibration. Mais c’est la même chose. L’existence de l’être n’est probablement qu’une vibration résonnante, par opposition à un concept que nous qualifions de vide sidéral et qui représenterait l’inerte. A ce stade il est facile de mesurer l’interaction entre la perception, la relation de cette perception, la construction de l’univers qu’elle induit, et l’absence de toute autre chose que la vibration et de ses résonances.
La mesure du potentiel humain n’est pas possible. Mais elle est sans importance. Les protections construites des moteurs de vie aliènent et pérennisent l’espèce ; l’espèce comprise au sens de l’individu indivisible.
La lumière était partie. Plus de jour, plus de nuit, plus de bleuté de lune vieille, plus de regard sur l’inaccessible. 
En résumé, plus de rêve.
Personne n’aurait cru qu’on puisse vivre sans rêve. Eh bien ! Si ! Enfin vivre, ou autre chose. 
En tout cas, continuer à concentrer la perception d’un univers vital. Que pourrait-il y avoir d’autre ?
Les démultiplications du magma lunaire virevolteraient d’ingéniosité.
Le clair profond
Beauté sans fond
Accroche l’absence de regard
Dans l’éternité sans fard
L’enthousiasme n’est qu’un temps.
Qu’est-ce que le noir sans repère à la lumière.
Les mouches du coche, dans un premier temps interloquées, pour celles qui n’avaient pas péri, reprenaient du poil de la bête.
Qui est qui, qui fait quoi, qui génère le magma, que génère le magma, qu’est chacun sans l’autre. Quelle essence génère l’existence.
Enfin, toutes les conneries communes existentialistes. 
La vie, la lumière, se reconstruisait ainsi au noir, pardon, dans le noir, qui, pour la bonne cause, la vibration, était devenu le blanc.
Même le soleil n’est pas maitre de la vie, il fut ainsi démontré qu’il n’était lui-même qu’une représentation d’un univers d’oscillation pendulaire indestructible. Que pensez vous d’un ciel tout blanc, avec au milieu un gros rond noir. N’est-ce pas aussi joli ? Serait-ce moins porteur d’espoir ?
Cela vous empêchera-t-il de bander ?
Connaissez-vous quelque chose, avez-vous la moindre perception, en dehors d’un équilibre instable.
Creux, crêtes, crêtes, creux
La lame est la vie
La flamme l’embellit.

Alors le soleil revint dans l’indifférence générale. 
Il avait compris qu’il brillait en vain. 
Il se félicita de ne servir à rien. 
Il avait atteint l’humanité. 
Chaque nuit pouvait porter conseil, même à lui.

L’univers serait-il né de l’ennui de l’homme, construit d’idées autour du néant.

GDB Saint Laurent du Maroni 2006